Visage et nuque
nuque Visage L’étude médico-légale de l’empreinte imprimée sur le Suaire fait apparaître qu’à l’évidence l’homme qui y fut enveloppé a été frappé au cours des heures précédant sa mort.
En observant le visage, on note des tuméfactions qui semblent pouvoir être identifiées comme des hématomes, particulièrement visibles sur sa moitié droite, qui se présente plus enflée que la gauche. On relève en outre des marques que l’on peut attribuer à des plaies lacéro-contuses, particulièrement en correspondance avec les arcades orbitaires. La pyramide nasale est déviée à cause d’une fracture. Sur le front, sur la nuque et le long des cheveux sont évidentes de nombreuses coulures de sang, selon un parcours sinueux, issues de blessures par instrument pointu de petit diamètre. Ces blessures, qui présentent une disposition rayonnante autour de la tête, et qui montent jusqu’au sommet de la calotte occipitale, semblent provoquées par l’imposition sur la tête d’un casque d’épines acérées.
A noter la coulure au centre du front, provenant d’une blessure de la veine frontale, qui prend la forme caractéristique d’un « 3 » renversé en suivant le tracé des plis du front. Les traits sombres horizontaux qui délimitent le visage et la nuque sont dus aux plis du tissu.
Torse et dos
Torse dos La peau du torse et du dos présente plus d’une centaine d’ecchymoses excoriées se présentant par paires, arrondies, longues d’environ deux centimètres, et visibles également sur les membres inférieurs. Ces ecchymoses semblent être des lésions provoquées par le fouet, instrument de torture romain, fait d’un manche de bois d’où partent des cordes au bout desquelles sont fixés les « taxilli », petits plombs en forme de haltères, disposés par paires. En quelques endroits sont également visibles les traces laissées par le mouvement enveloppant de ces cordes.
Au niveau de la zone scapulaire gauche et supra-scapulaire droite on observe des ecchymoses de forme quadrangulaire, que l’on peut rapporter aux empreintes laissées par un objet pesant et rugueux identifiable avec le « patibulum », c'est-à-dire la poutre horizontale de la croix, que quelquefois le condamné devait porter jusqu’au lieu de son exécution.
Sur la partie droite de la poitrine ressort une large tache de sang qui s’écoule d’une plaie de forme ovale au niveau du cinquième espace intercostal droit. Les caractéristiques de cette plaie sont importantes, du fait qu’elles montrent qu’elle fut provoquée après la mort du sujet. Même le sang qui en sort, et dont l’écoulement se poursuit sur le dos au niveau des reins (la raison évidente en est que la cage thoracique s’est vidée au moment où le cadavre a été déposé à l’horizontale), se présente entouré d’une auréole séreuse constellée de taches rougeâtres, comme il advient pour le sang d’un cadavre dont la partie séreuse s’est déjà séparée des éléments cellulaires.
Membres supérieurs et mains
mains Membres supérieurs Sur l’image antérieure les empreintes laissées par les membres supérieurs sont bien identifiables.

Les bras (dont l’image n’est plus visible en raison de la brûlure du tissu due à l’incendie de Chambéry) sont allongés. Sur les avant-bras, qui présentent une légère flexion vers l’intérieur au niveau de l’articulation du coude, sont visibles de longues coulures de sang. La main gauche est posée sur la main droite. Sur le poignet gauche est bien visible une large tache de sang, caractéristique, formée de deux coulures divergentes, formant un angle explicable par les deux positions différentes prises par le condamné sur la croix : affaissée et redressée. Le sang s’écoule d’une plaie de forme ovale, explicable par une lésion par instrument piquant – un clou par exemple –, sur lequel une traction aurait été exercée. La localisation de cette plaie est particulièrement intéressante : non pas dans la paume de la main, selon l’iconographie traditionnelle de la crucifixion, mais dans le poignet, exactement dans un espace libre entre les os du carpe, appelé « espace de Destot ». Enfoncer un clou à cet endroit répond à l’exigence de fixer de manière sûre les membres supérieurs à la croix : en effet, les tissus de la paume ne peuvent pas supporter le poids du corps sans se déchirer. Le fait que l’on ne clouait pas par les paumes les membres supérieurs des crucifiés a été confirmé par la découverte, dans les environs de Jérusalem, du squelette d’un crucifié du Ier siècle. Une plaie analogue est présente sur le poignet droit, mais, étant couverte par la main gauche, elle n’est pas visible.
Membres inférieurs
rear front Les membres inférieurs sont bien visibles, aussi bien dans l’image antérieure que dans l’image postérieure.
Ils portent les traces évidentes, caractéristiques, de la flagellation. Les deux genoux présentent des excoriations, très probablement dues à des chutes, parce que dans ces zones, comme sur les plantes des pieds, ont été mises en évidence des traces de terre. A noter aussi que le genou gauche a été fixé par la rigidité cadavérique en position plus fléchie que le droit, raison pour laquelle la jambe gauche apparaît dans l’image plus courte que la droite.

Les pieds sont bien visibles dans l’empreinte postérieure, alors que sur l’image antérieure on voit très clairement une tache de sang, mais pas l’empreinte somatique du membre. La plante du pied droit est nettement imprimée, alors que seule la partie postérieure du gauche est visible, à proximité du talon. Ce fait suggère que le crucifiement a été effectué en utilisant un seul clou et en superposant le pied gauche sur le droit. Sur la plante du pied droit on remarque l’orifice de sortie du clou, d’où partent des filets de sang qui descendent vers les orteils, alors que d’autres descendent vers le talon et ont donc coulé au moment de la déposition, lorsque le corps se trouvait à l’horizontale.
Brûlures, auréoles et lacunes
Auréoles dues à l’eau bande rapportée Brûlurese Brûlures En 1532 éclata un incendie dans la chapelle du château ducal de Chambéry, où était conservé le Suaire, plié, dans un coffret d’argent. Une goutte de métal fondu tombée sur le Linceul en traversa toutes les couches, détruisant le tissu. Ce qui explique la répétition symétrique des lacunes caractéristiques en forme de triangles. Les deux lignes noires qui bordent la figure des deux côtés sont des traces de brûlure au contact des parois surchauffées du coffret. Ces lacunes furent réparées en 1534 par les Clarisses de Chambéry, qui se chargèrent de les recouvrir avec des rapiéçages. Pour renforcer la structure du Linceul endommagé par l’incendie, les sœurs cousirent en outre le Suaire et les rapiéçages sur un tissu de lin, appelé toile de Hollande. Pour des motifs de conservation de la toile du Suaire, ces rapiéçages ont été ôtés en 2002, et la toile de Hollande remplacée par un nouveau tissu de support, reconnaissable sous les brûlures par sa couleur et sa trame différentes.

Auréoles dues à l’eau
Les taches en forme de losanges, qui se répètent à plusieurs reprises au centre et le long des bords du linceul, sont dues à l’eau qui a mouillé le tissu, à un certain moment de l’histoire du Suaire. Dans ce cas également les empreintes se répètent symétriquement à cause de la façon dont le Linceul était plié. Le bord irrégulier, en dents de scie, de l’auréole est dû aux substances présentes sur le Linceul et entrainées par l’eau.

Traces de brûlure antérieures à l’incendie de Chambéry
Sur le Suaire sont évidentes encore d’autres lacunes arrondies, qui se répètent aussi symétriquement. Mais leur disposition différente par rapport aux brûlures de Chambéry suggère un système de pliage différent. Ces brûlures sont sûrement antérieures à l’incendie de 1532, puisqu’elles sont déjà attestées dans un tableau, copie du Suaire, datant de 1516, et aujourd’hui conservé à Lierre, en Belgique.

Les lacunes aux coins supérieurs et la bande rapportée
Le long du bord qu’on appelle conventionnellement supérieur (le Suaire est en effet exposé avec l’empreinte antérieure à gauche du spectateur) a été anciennement cousue une bande du même tissu que le Suaire. On ignore la raison de cette adjonction, même si on a émis beaucoup d’hypothèses. Aux bords extrêmes cette bande présente deux importantes lacunes, sous lesquelles apparaît le tissu de support. Dans ce cas non plus, on ne sait ni quand ni pourquoi se produisit cette mutilation, certainement ancienne. Le long du bord inférieur de la lacune en haut à gauche du spectateur, se trouve la zone où furent effectués les prélèvements de deux échantillons de tissu : en 1973 pour des analyses de la nature et de la composition du tissu, et en 1988 pour sa datation par la méthode du carbone 14.
Positif et négatif
Positif Image en positif
La photographie en noir et blanc du visage de l’homme du Suaire montre que la différence de tonalité entre les valeurs claires et les valeurs foncées de l’empreinte est tellement mince que l’œil ne parvient à percevoir que les traits d’un visage humain dans sa globalité, tandis que les détails ne sont pas facilement discernables et compréhensibles. L’image présente un visage où la distribution de la luminosité est exactement opposée à celle que nous percevons dans la réalité, où les parties les plus saillantes présentent des tonalités plus claires que celles qui concernent des structures anatomiques plus éloignées. L’image du Suaire se comporte par conséquent comme un négatif photographique. Il en va autrement pour ce qui concerne les taches de sang, directement décalquées sur le tissu.

négatif Image en négatif
Dans le négatif de la photographie du Suaire, on voit bien que les clairs-obscurs sont inversés par rapport à un négatif photographique normal. Il y a en outre la transposition spatiale, dont l’effet est d’intervertir la partie gauche et la partie droite. La toile, qui est de couleur claire, apparaît sombre, tandis que les taches correspondant aux parties anatomiques en relief deviennent claires, avec des nuances d’intensité qui reflètent la curvilinéarité du visage. Nous nous trouvons donc devant l’aspect véritable de l’homme du Suaire comme nous pourrions l’observer s’il se trouvait en face de nous, y compris avec le positionnement correct des parties droite et gauche.